13.4.08

Un libertarien précurseur : Socrate

(Libre interprétation de l'auteure)

Dans le Gorgias (de Platon), Calliclès soutient contre Socrate la conception aristocratique du pouvoir et l'affirmation des instincts naturels, ce qu'on appellerait aujourd'hui le droit du plus fort. Selon lui (on pense en le lisant à Hobbes et à Nietzsche), il est moins honteux d'être un "fort" qui exerce sa puissance que d'être un faible qui la subit :
Car pour ceux qui ont eu la chance de naître fils de roi, ou que la nature a faits capables de conquérir un commandement, une tyrannie, une souveraineté, peut-il y avoir véritablement quelque chose de plus honteux et de plus funeste que la tempérance ? Tandis qu’il leur est loisible de jouir des biens de la vie sans que personne les en empêche, ils s’imposeraient eux-mêmes pour maîtres la loi, les propos, les censures de la foule ! Et comment ne seraient-ils pas malheureux du fait de cette prétendue beauté de la justice et de la tempérance, puisqu’ils ne pourraient rien donner de plus à leurs amis qu’à leurs ennemis, et cela, quand ils sont les maîtres de leur propre cité ? La vérité, que tu prétends chercher, Socrate, la voici : le luxe, l’incontinence et la liberté, quand ils sont soutenus par la force constituent la vertu et le bonheur ; le reste, toutes ces belles idées, ces conventions contraires à la nature, ne sont que niaiseries et néant.
A cela Socrate, en quelque sorte précurseur des droits de l'homme, réplique en invoquant (sans trop la préciser) une conception quasi libertarienne de la justice que lui souffle son δαίμων, la voix de sa conscience morale :
Je nie, Calliclès, que la chose la plus honteuse soit d’être souffleté injustement ou de se voir couper les membres ou la bourse [allusion aux "pickpockets" qui sévissaient déjà en ce temps-là], et je soutiens qu’il est plus honteux et plus mal de me frapper, de me mutiler injustement, moi et les miens, et que me voler, me réduire en esclavage, percer ma muraille, en un mot, commettre une injustice quelconque contre moi ou contre ce qui m’appartient est une chose plus mauvaise et plus laide pour celui qui commet l’injustice que pour moi qui en suis victime.
Il resterait encore à Socrate, comme à tous les Antiques, pour devenir un parfait libertarien, de se libérer de l'emprise holistique que la "Cité" pouvait avoir sur les esprits. Mais il y a déjà l'idée que la justice n'est pas quelque chose qui est édicté par un pouvoir. A y bien regarder, le positivisme juridique n'est pas autre chose que l'expression moderne de la loi du plus fort et de son arbitraire.

2 commentaires:

Josick a dit...

de se libérer de l'emprise holistique que la "Cité" pouvait avoir sur les esprits

En France, nos soit disant "libéraux" substituent au Service de l'Etat, le Service du Marché.

Josick a dit...

Ce δαίμων, c'est à mon sens l'expression de ce qui est bien droit, résistance universelle pas de ce monde de force, δαίμων qui si pas écouté fait que nous sommes fourbe au lieu d'être tout simplement courbe.